L’ampleur des feux de forêt des dernières semaines démontre bien l’urgence de se mobiliser et de collaborer pour le futur des forêts du Québec. Ce type de catastrophe s’ajoute aux nombreux enjeux de gestion forestière vécus quotidiennement par les parties prenantes du secteur forestier comme la protection du caribou, les aires protégées, l’acériculture, l’approvisionnement en bois, la gestion des chemins, la cohabitation avec les Premières Nations, le récréotourisme et j’en passe. Il est essentiel d’être en mesure de concilier ces enjeux tout en permettant de réagir en cas de catastrophe naturelle. Et si le problème en était plus un de vision commune s’appuyant sur une volonté politique forte d’aligner les objectifs de chacun ? Une telle vision rassembleuse passe nécessairement par une gestion collaborative. Pour nous, les ingénieurs forestiers, la forêt est un milieu riche de biodiversité et pourvoyeur de services environnementaux et de biens renouvelables; un milieu qui contribue à la lutte aux changements climatiques et au bien-être des communautés et des humains qui les composent. Bref, un milieu qui favorise notre santé globale.

Depuis plusieurs années, l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ) propose le concept d’aménagiste désigné. Il s’agit d’une instance de gestion du milieu forestier ancrée dans le territoire et regroupant des décideurs locaux de toutes provenances. Cette instance serait soutenue par une équipe de professionnels agissant en complémentarité pour permettre une synergie des expertises de chacun. Bien que redevable au gouvernement en fonction d’objectifs et d’orientations générales, l’aménagiste désigné devrait pouvoir établir ses propres objectifs locaux et les moyens de les atteindre. Son ancrage de proximité au territoire favoriserait la réactivité et l’agilité en cas d’événements naturels ou pour s’adapter rapidement à l’évolution des contextes environnementaux, sociaux et économiques. Il aurait également le devoir d’être autosuffisant financièrement, et même d’assurer un partage des bénéfices tangibles et intangibles entre les parties prenantes.

Cette proposition de l’OIFQ n’est pas une approche complètement nouvelle, puisque des modèles semblables sont implantés ailleurs dans le monde, notamment en Scandinavie, en Nouvelle-Zélande et plus près de nous, en Ontario. Rappelons également qu’une formule similaire avait été proposée dans le Livre vert du regretté ministre des ressources naturelles du temps, M. Claude Béchard.

Il est temps de tenter une approche différente de celles qui ont été mises en place jusqu’à présent. Conserver l’approche actuelle ou revenir en arrière nous condamnerait aux mêmes résultats toujours aussi insatisfaisants. Avec l’accélération des changements dus aux contextes climatique, économique, géopolitique et social, les problèmes seront toujours plus nombreux et les visions toujours plus clivantes. Nous enfermer dans le modèle actuel nous fera perdre beaucoup de temps, d’énergie et de valeur. Il est temps de créer des lieux où les parties prenantes peuvent discuter et trouver des solutions pour lesquelles elles assumeront des responsabilités de mise en œuvre et s’engageront dans la voie de la réussite. Une flamme s’est d’ailleurs allumée puisque certains députés réclament une commission parlementaire pour revoir l’aménagement forestier. Une initiative que salue l’Ordre. En allant de l’avant avec une commission parlementaire, ce forum tout désigné pour examiner ce sujet d’actualité, le gouvernement démontrera qu’il passe en mode offensif. Le cas échéant, l’Ordre en sera assurément partie prenantes. 

Dans l’intervalle, l’Ordre compte assumer son leadership en rencontrant plusieurs acteurs du milieu afin de discuter des visions et objectifs de chacun. Il est important pour nous de profiter de l’impulsion du moment qui s’installe, en ne laissant pas l’épaisse fumée des feux obstruer notre vision.