Tous les ans, le professeur Khasa de l’Université Laval fait découvrir la foresterie d’un pays étranger à un groupe d’étudiants dans le cadre du cours Mission d’étude en foresterie internationale accessible aux étudiants de la Faculté de foresterie. Après près de huit mois de préparation, c’est au Japon que l’édition 2015 s’est envolée afin de visiter des centres de recherche, des forêts modèles et quelques acteurs de l’industrie de la transformation du bois pour bien comprendre le contexte de la foresterie au pays du Soleil- Levant.
Contrairement à ce que plusieurs pourraient penser, le Japon est l’un des pays les plus densément boisés au monde avec plus des deux tiers de son territoire recouverts de forêts. Compte tenu de la disposition du pays, le couvert forestier nippon est très varié puisqu’on y retrouve la forêt boréale au nord de l’île, la forêt tempérée au centre et finalement, plus au sud, la forêt subtropicale. Le Japon possède un riche historique en ce qui a trait à la conservation des forêts puisque depuis près de quatre siècles on y protège la forêt pour prévenir les glissements de terrain ainsi que pour la conservation des sources d’eau. Malgré leur désir de préserver les forêts, les Japonais sont aussi reconnus pour l’utilisation du bois dans leurs constructions. En effet, le Japon est réputé pour ses temples vieux de 500 à 1000 ans qui étaient construits en bois et ce, sans utiliser de fer ni de clous. De nos jours, l’héritage de la conservation de la forêt et de la construction en bois est toujours dans le portrait de l’industrie forestière japonaise, mais cette industrie fait toutefois face à de nouveaux défis de taille.
Importation versus bois indigène
Bien que fortement garni en forêt, on remarque que 70% des besoins annuels en bois du Japon sont comblés par des importations provenant notamment des États-Unis, du Canada, des pays du sud-est de l’Asie et de l’Australie. Cette dépendance est en partie due à la faible utilisation du cèdre japonais qui est très abondant sur le territoire japonais et qui ne possède pas de bonnes propriétés mécaniques. Le gouvernement japonais encourage donc l’industrie à trouver des utilisations pour ce type de bois en récompensant présentement les entreprises par des crédits d’impôt. Lors de notre visite à l’usine de Chugoku Mokuzai, l’entreprise nous a présentés sa solution à ce problème : des poutres de bois lamellé-collé utilisant en sandwich du cèdre japonais au centre et du sapin de Douglas pour les parties externes. En effet, sur une poutre travaillant en flexion ce sont les parties externes (haut et bas) qui reprennent la majorité des charges, permettant ainsi d’utiliser des essences moins résistantes sur l’axe neutre (centre).
Monsieur Ryoichi Takahashi du QWEB nous traduit les explications des ingénieurs à l'usine de Chugoku Mokuzai de Tokyo
Employé à l'ouvrage à l'usine de Mitsui Home à Tokyo
Problème des chevreuils
Lors des visites dans les forêts modèles et parmi les territoires de coupes du Japon, les intervenants semblaient tous être unanimes quant aux dégâts que causent les chevreuils sur les efforts de conservation et de reboisement. En effet, un peu comme dans le cas de l’ile d’Anticosti, la population de chevreuils ne cesse d’augmenter sur le territoire japonais vu le faible nombre de prédateurs présents sur l’île. Avec cette population de cervidés qui augmente, les chevreuils doivent donc souvent se retourner vers les jeunes pousses d’arbres lorsqu’ils manquent de nourriture. En dévorant littéralement toutes les jeunes repousses, les chevreuils gâchent ainsi les efforts de reboisement des Japonais suite aux récoltes forestières ou suite aux sinistres. Étant donné que le Japon est un pays très pacifique et démilitarisé où il est difficile de se procurer des armes à feu, on retrouve très peu de chasseurs récréatifs qui pourraient contribuer au contrôle de la population des chevreuils au Japon. La solution trouvée jusqu’à maintenant est l’utilisation d’exclos protégeant les jeunes pousses des chevreuils. Ce type de protection fait d’ailleurs l’étude de plusieurs recherches par les chercheurs japonais afin de les utiliser de façon stratégique.
Démonstration des ravages causées par les chevreuils ainsi que des exclos dans la région d'Odaigahara
Problématique de la main-d’œuvre
Finalement, comme on le retrouve au Québec, l’industrie forestière du Japon fait elle aussi face à une forte pénurie de la main-d’œuvre tant en forêt qu’en usine. En effet, en plus du problème de l’exode rural, le Japon fait aussi face à une décroissance démographique qui touche plusieurs secteurs, dont l’industrie forestière. De plus, les jeunes Japonais d’aujourd’hui sont de moins en moins nombreux à choisir les métiers manuels ce qui affecte grandement l’industrie de la transformation et de la récolte du bois. L’industrie du Japon est donc en complète transformation afin de moderniser ses installations, de même que tous les processus de transformation et de récolte.
Pour conclure, en plus des apprentissages et des découvertes sur la foresterie au Japon, cette mission d’étude nous a aussi permis de découvrir une culture complètement différente de la nôtre, mais surtout de tisser des liens avec nos amis japonais qui ont eux aussi la foresterie à cœur. Finalement, nous tenons à remercier sincèrement l’Ordre des ingénieurs forestiers du Québec ainsi que tous nos autres partenaires pour leur précieux soutien, primordial au déroulement de ce beau projet.
Un texte de Félix-Antoine Caron