Par Alain Castonguay
Collaboration spéciale
Plus de 200 personnes ont participé au colloque portant sur les nouvelles exigences légales touchant les milieux humides et hydriques, tenu le 1er mars dernier à Québec. L'activité était organisée conjointement par l'Ordre des ingénieurs forestiers du Québec (OIFQ) et la section régionale de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches du Réseau Environnement.
En ouverture, les présidents des deux organisations ont insisté sur l'évolution des connaissances et des valeurs qui incitent à la conservation des milieux humides et à leurs fonctions. Le président de l'OIFQ, François Laliberté, rappelle que la règlementation ne suffit pas toujours et que les professionnels doivent jouer leur rôle de conseiller auprès des propriétaires forestiers. Ces gens sont imputables et redevables de leurs actions auprès du public et de leurs clients. L'OIFQ appuie le projet de création d'un ordre professionnel pour encadrer le travail des biologistes, ajoute-t-il.
De son côté, Jean Lacroix, président du Réseau Environnement, encourage les participants à soumettre des propositions pour améliorer la règlementation qui découle de la loi 132 concernant la conservation des milieux humides et hydriques (LCMHH), adoptée en juin 2017 par l'Assemblée nationale. « Proposez des solutions, sinon elles vous seront imposées », dit-il.
La sortie publique de Claude Morin, maire de Saint-Georges-de-Beauce, publiée le même jour dans le journal Le Soleil, ne l'a pas surpris. M. Morin a piloté une résolution au sein de l'Union des municipalités du Québec pour dénoncer la lourdeur de la facture de la compensation désormais exigée des municipalités qui permettent la destruction des milieux humides. « C'est un changement de paradigme, ça perturbe, ça dérange, ça fait réagir et ça demande du recul. Ça montre surtout qu'on avait besoin de cette loi. » Le cadre règlementaire qui découlera de la LCMHH devra être rigoureux, équitable et acceptable, dit-il.
Les bénéfices
De son côté, Guillaume Daigle, chef des politiques d'intérêt public et de l'éducation chez Canards Illimités (CI), a insisté sur les gains qui découlent de la conservation des milieux humides et des habitats qui s'y rattachent. Dans les régions habitées du Canada, jusqu'à 80 % des milieux humides ont disparu, rappelle-t-il.
Plus de 600 espèces animales en dépendent à un moment ou l'autre de leur existence, ajoute M. Daigle, et seulement au Québec, le tiers des espèces en situation précaire ont besoin des milieux humides et hydriques.
Les tourbières, dont la durée de vie peut être considérable, sont de véritables puits de carbone, explique-t-il, car elles contiennent en moyenne neuf fois plus de carbone qu'une forêt (masse mesurée en kilos au mètre carré). La linéarisation des cours d'eau au Québec, associée aux travaux de drainage en milieu agricole, a augmenté les débits de pointe et empiré l'impact des inondations, estiment les chercheurs cités par Guillaume Daigle. « On ne cherche pas de coupables. Désormais, il ne faut pas juste restaurer les berges, mais aussi chercher à retenir l'eau plus longtemps », dit-il.
Chez Canards Illimités, on se préoccupe particulièrement du lac Saint-Pierre, où l'occupation du sol sur ses berges a grandement évolué depuis 200 ans. Ces dernières années, on a intensifié la production agricole sur ses berges. L'apport supplémentaire de sédiments qui en découle menace la pérennité de cet écosystème.
Trois effets positifs découlent de la loi 132, indique Guillaume Daigle: 1) les milieux humides d'intérêt sont désormais définis, 2) on ne tolère plus la moindre perte nette de milieux milieux humides et les activités qui en sont la cause doivent inclure leur restauration ou la création de nouvelles aires, 3) chaque MRC doit inclure des plans régionaux de conservation de ces milieux dans son schéma d'aménagement.
Le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les Changements Climatiques (MDDELCC) doit produire un guide d'ici le début de l'été pour aider les MRC à préparer ces plans.
Entre 2009 et 2017, les travaux menés par CI avec la collaboration de 76 partenaires ont permis de cartographier les milieux humides de 550 municipalités et 57 MRC, principalement dans les basses terres du fleuve Saint-Laurent. Dans un territoire totalisant 48 000 km2, on estime que les milieux humides couvrent 10,3 % du territoire.
Nouveau régime
Les modifications majeures apportées à la Loi sur la qualité de l'environnement (LQE) et l'adoption de la loi 132 sur les milieux humides ont forcé le gouvernement du Québec à revoir sa règlementation touchant la protection de l'environnement. Le nouveau régime d'autorisation environnementale (RAE) et les 450 pages de règlements qui s'y rattachent ont été soumis à la consultation de 60 jours suivant la publication dans la Gazette officielle du Québec, le 14 février 2018.
Martin Joly, chef d'équipe, aménagement durable et conventions au MDDELCC, a présenté le sommaire du nouveau régime, qui vise à simplifier la livraison des permis et à rendre le processus plus prévisible pour le gestionnaire de projet.
Désormais, le RAE est modulé en fonction du risque environnemental associé à l'activité menée par l'initiateur du projet. Lorsque le risque est négligeable, le promoteur est exempté d'avoir à obtenir un certificat d'autorisation auprès du Ministère, mais il doit tout de même respecter les conditions prévues dans la loi et les règlements. Si le risque est faible, le promoteur doit produire une déclaration de conformité. Il pourra ensuite procéder aux travaux dans les 30 jours s'il n'y a pas eu de réaction de la part du Ministère. Lorsque le risque est jugé modéré, il doit demander une autorisation ministérielle. Tout projet comportant un niveau élevé de risque est désormais assujetti à la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement.
Des activités sont toujours soustraites à la compensation financière, mais il reste du travail à faire à cet égard, précise M. Joly. Le calcul de la contribution financière est aussi connu, incluant un facteur de rareté des milieux humides et hydriques en vigueur dans trois zones distinctes. Les sommes versées par les promoteurs pour compenser les atteintes aux milieux humides sont versées au Fonds de protection de l'environnement et du domaine hydrique de l'État.
Certaines exemptions sont déjà prévues pour la foresterie, et la prescription sylvicole sera ajoutée à la déclaration de conformité pour les travaux montrant un risque faible. La liste complète des activités exemptées sera connue plus tard ce printemps
Planification en forêt privée
L'ingénieur forestier Daniel Gagnon, de SNG Foresterie conseil, a présenté les impacts anticipés de la nouvelle loi sur les milieux humides sur la pratique des conseillers en forêt privée. Établie à Victoriaville, la firme qu'il dirige évolue surtout en forêt privée ou municipale depuis 2005.
La loi 132 a modifié l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement (LQE), qui exige l'autorisation ministérielle pour réaliser certaines activités. On a modifié le paragraphe 4° du premier alinéa pour y indiquer: « tous travaux, toutes constructions ou toutes autres interventions dans des milieux humides et hydriques visés à la section V.1 ». Cette section a été ajoutée pour y définir, à la suite de l'article 46 de la LQE, ce que sont les milieux humides et hydriques.
Daniel Gagnon estime trop « ambigüe » la définition de ces milieux, inscrite à l'article 46.0.1. Un peu plus loin dans la même section, on précise que la demande d'autorisation faite au ministre doit être accompagnée par une étude de caractérisation, signée par un expert membre d'un ordre professionnel ou par un biologiste. M. Gagnon appréhende certains problèmes: le contenu de l'étude de caractérisation est beaucoup trop large, sa rédaction comportera des frais élevés et les délais pris par le MDDELCC pour analyser son contenu ne sont pas précisés.
Le drainage sylvicole était encore une activité admissible au programme d'aide à la mise en valeur des forêts privées il y a quelques années à peine, rappelle M. Gagnon. Certains agriculteurs ayant l'équipement requis peuvent eux-mêmes construire leur chemin d'accès, mais s'ils ne peuvent y récolter du bois, on peut se demander ce qu'ils décideront de faire.
Daniel Gagnon cite l'exemple concret de plan d'aménagement forestier mené chez un propriétaire de Sainte-Séraphine. Dans ce cas, tous les revenus du propriétaire seront avalés par l'entrepreneur, les professionnels et les permis, et il en manquera même un peu.
Le conseiller forestier n'ose même pas imaginer la réaction du propriétaire à qui l'on exige une compensation financière si le milieu humide est altéré ou détruit. Dans son exemple, pour une superficie de récolte de 14,3 hectares, il évaluait la facture de 4,3 millions de dollars, ce qui est une pure hérésie dans le contexte de l'aménagement forestier.
Daniel Gagnon estime que l'impact de la loi 132 sera majeur sur la valeur marchande des propriétés. Selon lui, il faudrait prévoir des mesures de compensation financière pour dédommager les propriétaires, puisque la LCMHH pourrait équivaloir à une expropriation déguisée.
Le contexte de la forêt privée
Selon l'ingénieur forestier Marc-André Côté, les propriétaires forestiers pourront adhérer à la réforme proposée touchant les milieux humides si l'on mise sur leur fierté dans leur rôle d'intendant du territoire. M. Côté, qui détient aussi un doctorat en politiques forestières, est directeur général de la Fédération des producteurs forestiers du Québec (FPFQ).
Lors de l'enquête menée par la FPFQ en 2012, on a découvert les principales motivations associées à la propriété d'un lot boisé, le plaisir de profiter d'un milieu naturel arrivait au premier rang (pour 92 % des propriétaires). Trois propriétaires sur quatre déclarent vouloir léguer cet héritage naturel à leurs enfants. Quelque 74 % des propriétaires habitent à proximité (à moins de 10 kilomètres) de leur forêt, et une grande proportion d'entre eux (93 %) fréquentent leur lot boisé plusieurs fois par année.
M. Côté insiste sur la sensibilisation et l'information des propriétaires aux bonnes pratiques. Il croit aussi qu'il faut soutenir techniquement et financièrement les initiatives de restauration ou de conservation des milieux sensibles. Dans les cas où les propriétaires doivent renoncer à leur droit d'usage au-delà d'un certain seuil, il faudra les indemniser. Évidemment, le caractère raisonnable de ce seuil demeure à définir, reconnaît-il.
Marc-André Côté constate aussi que les biologistes et les ingénieurs forestiers ne voient pas les MHH de la même manière. Le marécage arboré et la tourbière boisée sont les deux milieux les plus problématiques à cet égard. Dans le contexte de l'aménagement forestier, il souligne un certain nombre d'activités qui représentent un risque négligeable sur les milieux humides. La FPFQ applaudit le projet de règlement soumis où des exemptions sont déjà prévues pour un certain nombre d'interventions sylvicoles.
« On doit chercher à protéger les milieux humides selon leur degré de fragilité et de rareté », ajoute-t-il. Bon nombre de milieux humides ne sont pas parsemés par des quenouilles, mais plutôt par des plantes envahissantes comme les phragmites. Des efforts de restauration devront être faits, conclut-il.
Mythes et réalités
Le professeur et ingénieur forestier Sylvain Jutras a remis en question quelques mythes régulièrement associés aux milieux humides. Professeur en hydrologie forestière à l'Université Laval, M. Jutras est aussi président de la CAPSA, le regroupement des organismes de bassin versant de la MRC de Portneuf, dans la région de la Capitale-Nationale. Il reconnaît d'emblée que la définition des milieux humides couvre un très large spectre, puisqu'on parle d'un milieu pas totalement terrestre, ni totalement aquatique, ce qui inclut tous les écosystèmes entre les deux.
Pour le milieu ayant un mauvais drainage, le professeur Jutras note que la nappe phréatique est toujours haute, située entre 10 et 50 cm sous la surface du sol, et le substrat organique est très faiblement aéré, et dominé par la présence de sphaigne. Ces tourbières peuvent être composées d'arbres ou pas.
La superficie terrestre du Québec est couverte par 12,5 % de MHH, souligne-t-il, dont 85 % sont des tourbières. On trouve peu de milieux humides dans la grande région métropolitaine: la Montérégie (5 %), Laval (4 %) et Montréal (2 %) en sont particulièrement dépourvues.
La Gaspésie-les-Îles (0,4 %) est la région administrative la plus pauvre en MHH. La plus vaste superficie de milieux humides est localisée en Abitibi-Témiscamingue (24 %), suivie par le Centre-du-Québec (13 %), le Nord-du-Québec (12 %) et Chaudière-Appalaches (11 %).
Lorsque ces zones subissent des inondations saisonnières, on y trouve des plantes et organismes adaptés aux conditions humides: des plantes (quenouille, carex, roseaux, joncs, etc.) ou des arbres (aulnes, saules, frênes, érables argentés, etc.). On parle alors d'un marais en présence de végétation herbacée, et d'un marécage lorsqu'on y note la présence de végétation ligneuse.
Le professeur compare le sol organique d'une tourbière à une crème glacée napolitaine, avec plusieurs couches ayant des propriétés hydrauliques distinctes. S'il est vrai que les milieux humides réagissent comme des éponges, M. Jutras précise que c'est le cas seulement pour les tourbières. Sa capacité à absorber l'eau est fonction de sa condition initiale, comme une éponge: si celle-ci est déjà pleine d'eau, l'eau ajoutée s'écoulera quand même, et c'est ce qui produit lors des saisons plus humides. Les tourbières contribuent donc à faire déborder les rivières au printemps et en automne. La tourbière jouera son rôle d'éponge en saison sèche, mais elle n'est pas un réservoir d'eau potable, contrairement au mythe répandu.
Les marais et les marécages contribuent à réduire l'impact des inondations, surtout les MHH situés à proximité d'un plan d'eau (rivière, lac, fleuve). L'eau du cours d'eau en crue est alors forcée de s'écouler sur les plaines inondables, ce qui ralentit la vitesse du débit.
Ce sont également les marais et les marécages qui sont en mesure de filtrer les sédiments. Les tourbières aussi peuvent filtrer l'eau, mais encore là, elles ne rendent pas l'eau plus pure. Les tourbières permettent principalement de séquestrer et d'accumuler une grande quantité de carbone. Les MHH situés à proximité d'un cours d'eau contribuent principalement à maintenir une grande diversité biologique, explique le professeur Jutras.
La récolte de bois dans une tourbière forestière contribue à la remontée de la nappe phréatique, car elle interrompt la boucle de l'évapotranspiration. Même si elle est réalisée en hiver, l'effet de la coupe de bois sera le même sur la remontée de la nappe, précise Sylvain Jutras. Par contre, la coupe hivernale peut limiter les problèmes d'orniérage, mais on peut obtenir le même résultat en hiver en utilisant de la machinerie plus petite et en la faisant circuler sur un tapis de houppiers. Le professeur est l'auteur principal de deux chapitres du Guide sylvicole du Québec portant sur le drainage sylvicole et la remontée de la nappe phréatique.
M. Jutras confirme que le drainage sylvicole est une solution efficace pour rabattre la nappe phréatique dans des sols organiques et augmenter le rendement forestier. Par contre, cette intervention a des conséquences hydrologiques dommageables pour les écosystèmes aquatiques, précise-t-il, car le drainage augmente les pointes de crues en plus de favoriser l'érosion et la décomposition.
Il recommande de consulter les études menées par Canards Illimités et FPInnovations sur l'aménagement des chemins d'accès en limitant les dommages à l'hydrologie forestière. Sylvain Jutras déconseille l'usage de la technique du bassin de sédimentation lors des travaux de drainage. « La foresterie, c'est toujours faire des compromis », conclut-il.
L'exemple de Trois-Rivières
Le biologiste Dominic Thibeault, chef de division, hygiène du milieu et développement durable à la Ville de Trois-Rivières, indique que la municipalité faisait bande à part dans le monde municipal avant la loi 132, ne serait-ce que par la manière dont elle gérait les demandes des promoteurs, indique-t-il.
La ville servait d'entremetteur entre le promoteur et le MDDELCC qui demandait un certificat d'autorisation en vertu de l'article 22 de la LQE. Le contenu de l'étude de caractérisation était discuté entre la municipalité et le promoteur, ce qui évitait les délais d'analyse et de réalisation des projets. La loi 132 ne lui permettra plus d'agir ainsi.
La municipalité gérait aussi la conservation par l'entremise d'une fondation qui octroyait les servitudes et recevait les dons de terrains aux fins de la protection de la biodiversité. Trois-Rivières veut soumettre un projet de loi privé à l'Assemblée nationale où elle demandera le pouvoir d'accorder un crédit de taxes foncières aux propriétaires qui participent à la conservation des milieux naturels.
« Les producteurs forestiers disent qu'on a le pire règlement municipal concernant la coupe de bois », indique M. Thibeault. Des normes strictes touchant les milieux humides sont intégrées dans le règlement de zonage depuis 2010.
Concernant le plan régional de conservation exigé par la LCMHH, la municipalité songe à le concevoir avec les voisines, car elle partage de grands milieux humides avec la MRC des Chenaux à l'est, et à la MRC de Maskinongé à l'ouest. Dans ce cas-ci, l'échelle des travaux est plus proche des limites des bassins versants et cette collaboration offre une meilleure évaluation de la valeur écologique des milieux que l'on souhaite protéger.
Dominic Thibeault souligne que les ressources n'augmentent pas dans les municipalités pour accomplir les nombreux mandats qui leur sont délégués par le gouvernement, incluant le plan régional de conservation des MHH. Cela explique l'intérêt de Trois-Rivières à collaborer avec les voisines pour gérer ces dossiers plus complexes.
La LCMHH crée un enjeu d'uniformité dans la région, car de nombreuses zones industrielles ont été créées entre 2007 et 2012. La reconnaissance des autorisations déjà accordées est un problème, estime M. Thibeault « Selon nous, le nouveau cadre de gestion surestime la valeur de certains milieux humides, notamment ceux qui sont isolés dans le milieu bâti », dit-il. Il voit mal comment équilibrer les demandes contradictoires, comme le fait de vouloir protéger un milieu humide envahi par les phragmites et la volonté de limiter l'étalement urbain.
Trois-Rivières est à la fois une municipalité locale et régionale, et elle vient de réviser son schéma d'aménagement, dont la version précédente remontait à 1982. « La Loi sur l'aménagement et l'urbanisme a besoin d'être dépoussiéré », conclut-il lors des échanges, en ajoutant que des conflits touchant la conservation sont à prévoir avec les producteurs forestiers et agricoles.
Une occasion pour les forestiers
Une discussion en plénière a conclu le colloque. Animée par l'ingénieur forestier Hugues Lapierre, du Réseau Environnement, y participaient deux des conférenciers de la journée, Dominic Thibeault et Daniel Gagnon, de même qu'Antoine Verville et André Gravel. Le premier est directeur général du Regroupement des organismes de bassin versant du Québec, le second est ingénieur forestier et directeur de l'approvisionnement en fibre chez Domtar à Windsor.
M. Verville affirme que les organismes de bassin versant (OBV) n'auront pas de pouvoirs supplémentaires découlant de la LCMHH. Cependant, les OBV participeront indirectement à la confection des plans régionaux de la MRC, car ils devront avoir identifié dans leur propre plan directeur de l'eau des objectifs de conservation des milieux les plus sensibles sur le territoire du bassin versant. Mais toute la partie opérationnelle relèvera des MRC, c'est très clair dans la loi, précise-t-il.
André Gravel, lui-même propriétaire forestier, précise qu'il achète du bois issu de forêts aménagées selon les critères de certification FSC depuis 15 ans. Selon lui, les exigences de la LCMHH permettent aux professionnels forestiers de se rapprocher des autres groupes qui gravitent autour des écosystèmes forestiers.
Daniel Gagnon insiste sur l'importance de la responsabilisation des professionnels, qui doivent déterminer les meilleurs moyens pour atteindre les objectifs fixés par la loi. De son côté, Dominic Thibeault estime des balises doivent être clarifiées dans la règlementation; jusqu'à maintenant, la règlementation par objectif n'a pas donné les résultats attendus, toutes disciplines confondues, si l'on se fie à la diminution des milieux humides et à leur dégradation, dit-il.
Les industriels forestiers se réjouissent de l'exemption accordée à un certain nombre d'interventions sylvicoles, ajoute André Gravel, car les travaux de consultation ont permis de démontrer le faible risque que ces activités représentent sur le milieu.
Si les objectifs de la loi sont bien compris, les modalités d'application demeurent floues, poursuit-il. Il cite l'exemple de la construction des ponceaux, qui est permise, mais pour utiliser la machinerie qui sert à les poser, ça prend un certificat d'autorisation (CA). « Là, on se perd un peu », dit-il. Quand le risque est plus élevé, les professionnels forestiers n'ont aucun problème à se conformer aux exigences requises par la LCMHH et la LQE, ajoute M. Gravel.
Il rappelle que Domtar a réalisé deux projets de cartographie des milieux sensibles sur deux bassins versants de son territoire. L'entreprise a utilisé les cartes écoforestières fournies par Forêts Québec avec la cartographie des milieux sensibles produite par Canards Illimités. Les milieux les plus sensibles et ciblés pour la conservation étaient similaires à 85 %. « On a donc déjà des outils en main pour travailler », note M. Gravel. Sur les terres privées de Domtar, on a classé tous les types de MHH en sept types, dont deux où il n'est pas possible d'intervenir sans demander un permis.
Antoine Verville confirme qu'il ne sera pas nécessaire d'avoir la cartographie la plus fine de tous les MHH d'ici 2021, dans la mesure où l'on respecte le premier objectif de la nouvelle loi, qui est de proscrire toute perte nette de ces milieux. Il estime que les règles de compensation financière seront utiles lorsqu'on envisage de convertir un milieu humide pour y construire, par exemple, un magasin à grande surface ou un développement immobilier.
Le Fonds de protection permettra justement d'indemniser les propriétaires qui souhaitent accorder une servitude de conservation au lieu de couper leur forêt ajoute M. Verville. Il faut voir cela comme une occasion inespérée de sensibiliser les propriétaires fonciers à l'importance de leur rôle d'intendant. À plus long terme, il estime nécessaire de revoir la fiscalité municipale afin que l'on considère la valeur des services écologiques associés aux milieux humides et aux gestes de conservation.
Daniel Gagnon juge qu'il sera possible d'obtenir l'adhésion des propriétaires forestiers à la conservation des milieux humides si on réussit à leur présenter la démarche sans qu'elle soit considérée comme brimant leur droit de propriété.